Le feedback entre manager et managé : l'évidence galvaudée

Le feedback entre un manager et son équipe est souvent présenté comme une évidence, voire une injonction : " Il faut donner du feedback ", " c'est indispensable pour progresser ". Pourtant, dans la pratique, cette évidence se voit trop souvent galvaudée ou mal mise en œuvre. Le feedback se transforme alors en une formalité de plus, un échange trop rare, un exercice ennuyeux, voire une occasion de creuser encore un peu plus le fossé hiérarchique. Pourquoi cette mécanique si essentielle reste-t-elle souvent inexploitée, voire mal comprise ? Comment réanimer la dynamique du feedback pour qu'il redevienne un levier fort d'engagement, de développement et d'amélioration continue ?

Le feedback du manager, l'évidence galvaudée

Publié le 1er décembre 2024 | Mis à jour le 4 décembre 2025

Le feedback : qu'est-ce que c'est, et pourquoi est-ce vital ?

Le feedback, ou " retour " en français, est avant tout un principe relationnel : il s'agit de partager une observation, une opinion ou un ressenti sur un fait, un comportement ou un résultat. On l'associe souvent à l'évaluation ou à la reconnaissance, mais le feedback a surtout pour vocation d'informer, de guider et de faire grandir.

Les recherches scientifiques démontrent l'impact crucial du feedback sur la performance. Une étude de l'Université de Harvard (2020) a révélé que les employés qui reçoivent un feedback régulier et constructif sont 2,3 fois plus performants que ceux qui n'en reçoivent pas. De plus, selon une enquête de Gallup (2022), les collaborateurs qui reçoivent un feedback hebdomadaire sont 3,2 fois plus engagés dans leur travail que ceux qui n'en reçoivent qu'annuellement.

Dans une équipe, le manager apporte une vision plus large sur la stratégie, l'organisation et l'alignement global tandis que le collaborateur est porteur d'une expertise, d'une proximité opérationnelle avec le terrain. Chacun détient donc des informations complémentaires qui méritent d'être mises en commun. C'est à ce croisement que naît un véritable feedback productif : lorsqu'il circule librement, il favorise une amélioration réciproque.

Le feedback en entreprise est souvent réduit à trois écueils :

  • La rareté : On attend trop souvent les entretiens annuels formels pour se dire certaines vérités. Résultat : manque de clarté sur les objectifs et les attentes mutuelles pendant l'année. Une étude de Deloitte (2021) montre que seulement 8% des entreprises pratiquent un feedback régulier (hebdomadaire ou mensuel), alors que 92% se limitent aux entretiens annuels, ce qui est largement insuffisant.
  • La maladresse : Certains managers, mal formés ou peu à l'aise avec la dimension humaine, donnent un feedback qui se limite à des remarques négatives ou imprécises (" Tu dois mieux gérer ta communication "). Cela crée de la frustration et n'apporte aucune piste concrète d'amélioration. Une recherche publiée dans "The Journal of Applied Psychology" (2022) révèle que 67% des managers déclarent ne pas se sentir à l'aise pour donner du feedback, et que leurs feedbacks sont perçus comme inefficaces par 58% des collaborateurs.
  • Le déséquilibre : Dans la relation manager-managé, le feedback ne va parfois que dans un sens. Les retours que fait le collaborateur sont ignorés, voire perçus comme de l'insubordination. On interdit alors au managé de contribuer à l'amélioration du manager lui-même. Pourtant, une étude de l'INSEAD (2021) démontre que les managers qui sollicitent activement le feedback de leurs équipes améliorent leur performance de 35% en moyenne.

Redonner du sens au feedback manager-managé

Plutôt que d'invoquer ponctuellement le sacro-saint entretien annuel, il est crucial de mettre en place une culture de la rétroaction continue. Les recherches montrent que le feedback fréquent (hebdomadaire ou bi-hebdomadaire) améliore la performance de 24% par rapport au feedback annuel, selon une méta-analyse publiée dans "Personnel Psychology" (2020). De plus, les entreprises qui ont instauré une culture du feedback continu enregistrent une réduction de 40% du turnover et une augmentation de 28% de l'engagement des collaborateurs, selon une étude de McKinsey (2022).

Cette culture peut se traduire par des pratiques simples :

  • De courtes réunions hebdomadaires pour faire le point, remonter les difficultés, s'encourager à poursuivre ce qui fonctionne.
  • Un partage transparent des réussites et des échecs : les collaborateurs doivent pouvoir comprendre pourquoi une mission est considérée comme réussie ou non.
  • Un retour " à chaud " : si un manager remarque une avancée positive ou un comportement à améliorer, il partage ses impressions peu de temps après l'événement, au lieu d'attendre des mois.

Je le constate à chaque fois que j'aborde l'exercice du feedback en formation de managers, faire un feedback n'est pas inné : cela s'apprend et se perfectionne. Plusieurs approches existent, par exemple le modèle DESC (Décrire, Exprimer, Spécifier, Conclure) ou le modèle du Sandwich (point positif, point d'amélioration, point positif).

L'important est de toujours respecter quelques règles de base :

  • Être factuel : faire référence à des faits et à des comportements observables, plutôt que de juger la personnalité ou l'intention.
  • Rester constructif : offrir des pistes d'amélioration, des solutions, plutôt que de se limiter à pointer une faute.
  • Faire preuve d'empathie : le feedback doit être un dialogue, pas un monologue. S'intéresser aux ressentis du collaborateur, et tenir compte de ses propres explications.

De même, savoir recevoir un feedback est tout aussi essentiel. Cela demande de l'écoute active, de la maturité émotionnelle et de la curiosité : " Qu'est-ce que je peux apprendre de ce retour, même si je ne suis pas d'accord ? ". Un manager qui montre l'exemple dans sa manière d'accueillir un feedback encourage ses collaborateurs à en faire de même.

D'ailleurs, j'encourage le feedback ascendant (venant du managé vers le manager) car le collaborateur qui s'exprime peut apporter un éclairage important sur l'impact des décisions managériales, les process internes, ou encore la dynamique d'équipe.

Les bénéfices d'un feedback managérial cultivé et maîtrisé

L'amélioration continue et la performance collective

Un feedback régulier et constructif agit comme un baromètre permettant de détecter tôt les signaux faibles. Il pousse à des ajustements en temps réel, ce qui évite l'accumulation de tensions ou de mauvaises habitudes. À long terme, cela élève la performance globale et la qualité du travail fourni.

L'engagement et la rétention des talents

Les collaborateurs qui se sentent écoutés, valorisés, soutenus et accompagnés progressent plus sereinement dans leur parcours professionnel. Ils sont aussi plus enclins à rester dans l'entreprise, car ils y perçoivent un véritable intérêt pour leur développement et leur épanouissement.

La cohésion d'équipe renforcée

Un feedback de qualité crée un climat de confiance mutuelle. Le manager n'est plus perçu comme une instance de jugement implacable, mais comme un partenaire de réussite. On assiste alors à un cercle vertueux : plus il y a de confiance, plus le feedback circule naturellement. Plus il circule, plus la performance et la cohésion s'améliorent.

Conseils pratiques pour instaurer une vraie culture du feedback

  • Former et sensibiliser : planifier des sessions de formation ou d'atelier de pratique du feedback pour tous les niveaux hiérarchiques.
  • Planifier des moments réguliers : intégrer dans l'agenda des rendez-vous formels de feedback (hebdomadaires, mensuels), sans attendre l'entretien annuel.
  • Varier les formats : entretiens individuels, feedback collectif en réunion, sondages, plateformes numériques de reconnaissance (type " kudos ").
  • Être exemplaire : un manager qui partage régulièrement sa vision, qui expose ses propres difficultés et sollicite des retours, modèle la posture attendue.
  • Valoriser les retours positifs : le feedback ne se limite pas à la critique constructive, il doit aussi souligner les réussites et encourager la poursuite du bon travail.

Le feedback entre le manager et son équipe est plus qu'un simple rituel ou un outil de suivi de la performance. C'est un pilier fondamental de la relation de confiance, un catalyseur de l'amélioration continue et un signe de respect mutuel. Pourtant, ce sujet " évident " demeure souvent traité comme une contrainte ou un dogme abstrait.

Réhabiliter le feedback passe par une volonté affirmée d'en faire une pratique vivante et sincère, ancrée dans le quotidien. Cela requiert une posture managériale ouverte à la remise en question et un apprentissage collectif pour bien formuler, recevoir et analyser les retours. Replacer le feedback au cœur du fonctionnement d'une équipe, c'est se doter d'une boussole fiable : celle qui oriente chaque individu vers la performance, la cohésion et l'épanouissement professionnel.

Damien

© Quasar Lille

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