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QUAND LE TÉLÉTRAVAIL EST ENCOURAGÉ... POUR DE MAUVAISES RAISONS

Depuis l’essor massif du télétravail lors de la pandémie de 2020, on vante régulièrement ses mérites : gain de temps en évitant les trajets, flexibilité accrue, équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle… Sur le papier, tout semble idyllique. Pourtant, une rumeur enfle : et si certains managers utilisaient cette “flexibilité” comme un leurre pour mieux garder la main sur leurs équipes ? Zoom sur cette potentielle supercherie et quelques conseils pour ne pas tomber dans le piège.
LES RAISONS DISCUTABLES
Pour de nombreuses entreprises, la transition vers le télétravail répond à des motivations saines : amélioration de la qualité de vie des salariés, réduction des coûts de transport, possibilité de recruter des talents partout dans le monde. Mais il arrive aussi que certaines entreprises et certains managers encouragent le télétravail pour des raisons plus discutables :
- Réduire les charges d’infrastructure : Une évidence je ne vous apprend rien : moins de bureaux physiques, moins de coûts en électricité, de charges locatives… Et un argument marketing : “Regardez, nous sommes une entreprise moderne qui valorise la flexibilité !”.
- Augmenter la productivité… en secret : Sous couvert de “liberté”, le télétravail peut aussi s’accompagner d’une pression insidieuse. Puisque vous êtes chez vous, certains managers estiment que vous pouvez facilement faire “un effort” supplémentaire, répondre à un appel tardif, ou finir un dossier le soir.
- Pérenniser une disponibilité quasi permanente : Les outils numériques (messageries instantanées, e-mails, visioconférences) rendent les employés joignables en continu. Encourager le télétravail peut alors servir à imposer des horaires étendus, sans que cela ne se voie directement.
L’ILLUSION DE LA LIMITE VIE PRO / VIE PERSO
De plus en plus d’entreprises vantent des programmes de “droit à la déconnexion”, des horaires clarifiés et une frontière nette entre travail et vie personnelle. Mais dans la pratique, comment cela se traduit-il ?
En théorie on nous dit : “Travaillez où vous voulez, quand vous voulez, nous respectons votre temps privé.”
En réalité :
- Les e-mails urgents tard le soir ou durant le week-end deviennent la norme.
- Les réunions se fixent sans prendre en compte les fuseaux horaires ou les obligations familiales.
- Des pratiques de micro-management à distance se mettent en place : la fameuse demande de se connecter “juste pour un suivi rapide” ou de remplir des rapports quotidiens trop détaillés.
Cette limite est alors comme un mirage : on la voit, on en parle, mais elle s’évanouit dès que les objectifs de productivité sont en jeu. Les managers concernés mettent en avant “la flexibilité” pour justifier une disponibilité qui déborde sur la vie privée. Cette situation peut avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique des employés :
- Épuisement émotionnel : Être constamment sollicité, même en dehors des heures de travail, épuise à la longue et peut mener au burn-out.
- Culpabilité permanente : L’impression de ne jamais en faire assez, car la disponibilité est virtuelle mais souvent imposée.
- Isolement : Le télétravail, bien que pratique, peut isoler socialement. Et si, en plus, on subit de la pression ou un micromanagement à distance, on se retrouve vite démuni.
COMMENT DÉJOUER LE PIÈGE ?
Fixer un cadre clair
Avant de passer en télétravail, discutez officiellement des plages horaires de disponibilité, du droit à la déconnexion (par exemple : aucune sollicitation après 19h, ou le week-end). Si votre entreprise n’a pas de politique écrite, proposez d’en mettre une en place.
Communiquer fermement
Apprenez à dire “non” ou “je ne suis pas disponible à cet horaire”. Souvent, il s’agit de poser ses limites pour éviter la dérive vers des amplitudes hors norme.
Utiliser les bons outils
- Paramétrez vos notifications : Désactivez-les sur votre téléphone personnel à partir d’une certaine heure.
- Séparez vos comptes professionnels et personnels (adresses mails, applications de messagerie).
- Assurez-vous d’avoir un agenda partagé, pour que collègues et managers connaissent vos disponibilités sans vous envahir.
Contrer l’isolement
Le meilleur remède à l’isolement est d’échanger régulièrement avec ses collègues – pas seulement pour le travail, mais aussi pour maintenir un lien social (cafés virtuels, discussions informelles, etc.). Des temps de rencontre en présentiel, même ponctuels, peuvent aussi aider à sortir de la bulle du télétravail.
Montrer sa valeur tout en protégeant son temps
Il est fréquent que les managers justifient leurs demandes excessives par un manque de visibilité sur le travail des collaborateurs à distance. Pour éviter cela, établissez des bilans clairs de vos avancées : rapports hebdomadaires, objectifs atteints. Ainsi, personne ne pourra prétendre que vous “n’êtes pas engagé” si vous refusez les sollicitations abusives.
ET SI LA CULTURE D'ENTREPRISE EST TOXIQUE ?
Même en essayant de fixer des règles claires, on peut se retrouver face à une culture d’entreprise qui valorise (ou pire, banalise) les abus de connexion. Dans ces cas-là, il est bon de partager vos préoccupations avec d’autres salariés : vous n’êtes sûrement pas seul dans ce ressenti. N'hésitez pas non plus à en discuter ouvertement avec la hiérarchie : les entreprises qui tiennent sincèrement à leurs employés sont prêtes à ajuster leurs pratiques. Et au cas où.. cherchez d’autres opportunités car parfois, la meilleure solution à une ambiance dégradée est le changement d’horizon.
EN CONCLUSION
Le télétravail reste, pour beaucoup, une avancée formidable dans l’organisation du travail. Il offre une grande flexibilité, permet de concilier plus facilement vie familiale et vie professionnelle… à condition que ces libertés soient réelles, et non un prétexte pour exiger davantage de disponibilité ou contourner le cadre légal du temps de travail.
La clé, comme souvent, réside dans l’équilibre et la communication. Si votre manager vous encourage à télétravailler, vérifiez que cet enthousiasme s’accompagne de vraies mesures pour protéger votre temps libre. Sinon, ce qui semble être un cadeau empoisonné pourrait bien se transformer en un stress permanent. Et ce n’est pas le but recherché, ni pour votre épanouissement, ni pour la performance à long terme de l’entreprise.