Les politiques de diversité, d'inclusion et de discrimination positive se sont développées dans certaines entreprises au cours des dernières années. Initialement portées par des considérations éthiques et sociétales - notamment la volonté de corriger des inégalités qui seraient structurelles - elles sont aujourd'hui intégrées aux stratégies RH de certaines organisations. À cela s'ajoute parfois l'influence de mouvances idéologiques, souvent dogmatiques, regroupées sous le terme générique de wokisme, introduisant une vigilance exacerbée sur les questions identitaires.
Publié le 1er mars 2025 | Mis à jour le 4 décembre 2025
Si ces démarches poursuivent des objectifs en apparence consensuels, leur mise en œuvre se confronte à une réalité partagée par une majorité et soulève un ensemble de difficultés pratiques, culturelles et juridiques. Je propose ici une analyse critique et circonstanciée des limites de ces dispositifs, afin d'en évaluer les effets réels sur la performance, la cohésion interne, la liberté managériale, et la sécurité juridique.
La discrimination positive vise à favoriser, à compétences équivalentes, des profils issus de groupes qui seraient historiquement sous-représentés ou défavorisés. Ce mécanisme repose sur l'idée de compenser les inégalités passées par une inégalité présente "réparatrice".
Cependant, cette approche entraîne des effets délétères. Le principe de compétence, pourtant fondement de l'éthique professionnelle, est perçu comme relativisé. Avec une altération de la méritocratie, certains salariés expriment un sentiment de déclassement ou de déséquilibre. Les bénéficiaires eux-mêmes peuvent être perçus comme "choisis pour leur profil" davantage que pour leur valeur ajoutée, ce qui nuit à leur légitimité et à leur intégration durable, la méthode entraînerait donc une stigmatisation, pour le coup bien réelle.
Le risque alors, contrairement à l'une des promesses des politiques de diversité, est de créer des tensions internes : l'introduction explicite de critères identitaires favorise la création d'un climat de méfiance ou d'incompréhension entre collaborateurs.
L'une des promesses des politiques de diversité est donc l'amélioration du climat interne. Or, dans leur application pratique, ces démarches peuvent engendrer des effets contraires.
Par exemple, dans une grande entreprise technologique américaine, des groupes internes appelés Employee Resource Groups (ERG) ont été créés selon les identités des salariés : "Black Employees at X", "LGBTQ+ Network", "Latinx at X", etc. Bien qu'à l'origine destinés à favoriser l'inclusion, ces groupes ont fini par opérer en silos, avec des événements séparés, des revendications spécifiques, et parfois des prises de position politiques divergentes. Certains collaborateurs en sont venus à exprimer un sentiment de cloisonnement, d'autant plus fort que les managers étaient parfois "priés" de privilégier certaines identités dans leur politique de recrutement ou de promotion. Résultat : l'identité individuelle devient un critère de reconnaissance plus important que l'appartenance à une équipe ou à une culture d'entreprise commune. La dynamique collective s'effrite.
Par exemple, une banque européenne a instauré des modules obligatoires sur les biais inconscients et les micro-agressions, incluant des quiz et des mises en situation où des expressions comme "je ne vois pas les couleurs" ou "nous sommes tous pareils" étaient pointées comme "problématiques". Certains salariés ont exprimé une gêne : non pas à l'idée de respecter autrui, mais à devoir surveiller en permanence leur langage courant par peur de mal s'exprimer involontairement. Dans les mois suivants, des retours anonymes ont signalé une perte de spontanéité dans les échanges, des réunions plus tendues, et une baisse de la prise de parole en public notamment chez les managers. Résultat : un climat d'autocensure s'installe, non par respect mais par prudence. La créativité et la fluidité des relations interpersonnelles s'en trouvent altérées.
Un des exemples bien documenté est la campagne de Coca-Cola aux états-unis en 2021 sur les biais inconscients : une formation interne avait suggéré aux employés blancs d'être "moins blancs", en les invitant à être "moins arrogants, moins sûrs d'eux, moins ignorants", ce qui a déclenché une vive controverse. Des salariés se sont sentis stigmatisés en fonction de leur origine. Résultat : la perception d'un discours culpabilisant, des divisions entre groupes de collaborateurs, et un retrait de cette pratique après la pression publique et la perte de CA.
L'argument selon lequel la diversité améliore la performance reste sujet à débat. Une étude de McKinsey ventant les mérites de la diversité comme levier économique a servi de faire-valoir idéologique pendant des années, jusqu'à ce qu'une enquête approfondie du Wall Street Journal et du Financial Times vienne la démonter l'année dernière. Cette enquête souligne notamment des tentatives de reproduction infructueuses des résultats de McKinsey menant à aucun lien causal clair entre diversité et rentabilité ainsi qu'une méthodologie obscure (sélection des entreprises non rendue publique, absence de démonstration de causalité, et absence de corrélation robuste avec la profitabilité...)
De plus ces recherches mettent en évidence que les produits financiers basés sur cette hypothèse (ETF diversité, etc.) ont sous-performé, montrant que les investisseurs ne peuvent pas se reposer sur la diversité comme gage de rentabilité.
Source peu reprise en France :
https://www.wsj.com/finance/investing/diversity-was-supposed-to-make-us-rich-not-so-much-39da6a23
De nombreux exemples démontrent qu'une politique d'inclusion mal calibrée ou perçue comme idéologique génère un retour de bâton externe très coûteux, à plusieurs niveaux : économique, réputationnel et stratégique.
Contexte : Aux USA, la bière Bud Light a lancé une campagne de communication sur les réseaux sociaux en partenariat avec Dylan Mulvaney, une influenceuse transgenre, dans le cadre d'un programme de célébration de la diversité.
Réaction : Boycotts massifs organisés par une partie de la clientèle. Relais viral sur les réseaux sociaux et les medias, figures publiques appelant à ne plus consommer la marque. En quelques semaines, Bud Light a perdu sa place de bière la plus vendue aux États-Unis, et son action en bourse a reculé de plus de 15 %. L'entreprise a tenté de faire marche arrière via une communication plus neutre, mais la controverse a durablement entamé son image.
Contexte : En 2019, Decathlon annonce le lancement en France d'un hijab de running destiné aux sportives musulmanes, dans une démarche présentée comme inclusive.
Réaction : Déclenchement immédiat d'une polémique nationale, impliquant des élus de tous bords. Appels au boycott sur les réseaux sociaux, et pression médiatique intense. Plusieurs membres du gouvernement ont dénoncé un encouragement au repli communautaire. Cette tentative d'inclusion est perçue comme incompatible avec les principes de laïcité dans le contexte français, révélant les risques d'importation de codes culturels sans adaptation au cadre local. L'enseigne retire finalement le produit.
Contexte : La SNCF lance en 2021 une campagne affichant des salariés issus de la diversité visible, avec des slogans comme " Nos différences sont notre force ".
Réaction : La campagne est moquée sur les réseaux sociaux pour son aspect "tokeniste" (mise en avant symbolique de minorités). Certains syndicats internes dénoncent une communication déconnectée des réalités du terrain, notamment dans les centres de maintenance ou à la conduite. Des employés indiquent n'avoir jamais vu ces profils dans leurs propres équipes, ce qui nuit à la crédibilité de la campagne. L'impact a été une perte de confiance à l'interne dans la sincérité de la démarche RSE, et à l'externe, une réception cynique du message perçu comme de l'inclusion de façade.
Contexte : en juin 2021, à l'occasion du "mois des fiertés", BMW affiche un logo aux couleurs LGBTQ+ sur ses comptes sociaux... sauf pour les pays du Golfe et du Moyen-Orient, où le logo reste neutre.
Réaction : accusations immédiates "d'hypocrisie opportuniste" sur les réseaux sociaux européens. De nombreux internautes enquêtent et relèvent que la marque ne défend ses valeurs que là où cela ne lui coûte rien. D'autres estiment que la diversité est instrumentalisée à des fins de marketing, sans véritable courage éthique. Après une altération de l'image de marque en Europe de l'Ouest, l'entreprise est confrontée à une difficulté à défendre une position claire sans perdre des marchés stratégiques.
En conclusion, les exemples récents montrent que :
Cependant, les entreprises ne doivent pas nécessairement se taire sur les sujets sociétaux, mais leur expression doit être alignée avec leur culture réelle (sans forçage ou tentative de formatage démesuré du personnel). Elle doit également être contextualisée selon les sensibilités locales réelles et non des sensibilités fantasmées, le tout dans un cadre légal.
En Europe, les politiques de discrimination positive doivent composer avec un cadre juridique fondé sur l'égalité de traitement.
Affaire Michelin - Condamnation pour discrimination à rebours
Les faits : un cadre masculin n'avait pas été promu au motif que la politique RH de l'entreprise favorisait alors "les femmes pour équilibrer les effectifs dirigeants".
Le jugement : la cour d'appel de Riom a condamné Michelin pour discrimination, estimant que le sexe ne pouvait pas justifier à lui seul une décision défavorable à un salarié. Le critère de compétence devait rester prépondérant. Ainsi donc, même en poursuivant une politique de parité, une entreprise ne peut écarter un collaborateur masculin compétent au profit d'une candidate au seul motif du sexe. Cela constitue une discrimination illégale.
Affaire de la RATP - Recrutement ciblé sur critères ethniques présumés
Les faits : des annonces de recrutement destinées à des jeunes "issus de la diversité" dans certains quartiers populaires ont été critiquées, certaines associations estimant qu'il s'agissait d'un filtrage ethnique déguisé.
Le jugement : plusieurs juristes ont alerté sur le risque d'infraction au principe d'égalité devant l'emploi. La HALDE (ancienne autorité de lutte contre les discriminations) avait rappelé que les critères liés à l'origine sont juridiquement inexploitables, même pour des motifs d'inclusion.
L'université d'Oxford (UK) critiquée pour quotas implicites
Dans un souci de diversité ethnique, Oxford a mis en place des objectifs informels de proportion d'étudiants issus de minorités. Bien qu'il ne s'agisse pas de quotas formels, certains étudiants blancs de milieux modestes ont accusé l'université de les écarter "en silence". Une levée de boucliers a été immédiate dans les médias et dans l'opinion publique, la réputation d'excellence de l'institution compromise. En réaction, Oxford a révisé son dispositif vers une approche par critères sociaux plus que raciaux.
En conclusion, même en l'absence de texte juridique explicite, une politique perçue comme fondée sur la race ou l'origine peut entraîner un retour de bâton médiatique et politique, surtout dans les contextes nationaux attachés à la méritocratie comme la France.
Entendons-nous bien : j'ai la conviction que les entreprises privées peuvent contribuer au bien être social et à la solidarité sur leur territoire via des dispositifs discrets, réels et concrets, et c'est d'ailleurs le cas chez Quasar. En matière sociétale, les sujets d'engagements possibles sont nombreux et il ne s'agit pas de rejeter toute politique de diversité, mais d'en recentrer les modalités autour de principes universels :
L'inclusion authentique ne peut pas se décréter par des quotas, mais elle doit se construire par l'exemplarité managériale, l'investissement dans le développement des talents et la reconnaissance du mérite. C'est à cette condition qu'une entreprise qui souhaite sincèrement développer une responsabilité inclusive peut le faire sans fracturer son capital humain.
© Quasar Lille
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